La plongée est libre en France ?
Par Webmaster le 26 novembre 2020. Modification le 3 décembre 2021.

L’idée est souvent répandu que la plongée sous-marine est libre en France. Dans certaines conditions ce n’est pas complètement faux (bien que !) mais quand est-il réellement pour le commun des plongeurs ?

Quand on parle de liberté la première idée qui nous vient à l’esprit est de pouvoir faire ce que l’on a envie sans restriction ou alors très peu. Nous savons néanmoins que la liberté totale n’existe pas et d’ailleurs un proverbe nous rappelle que « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». Je complèterais par : la liberté s’exprime toujours dans la limite du droit et du bon sens.

La plongée française, un régime de semi-liberté
La plongée française, un régime de semi-liberté unique au monde.

Pour définir le degré de liberté que l’on veut bien nous accorder en France nous pouvons, dans un premier temps, nous appuyer sur les modes de pratique de la plongée. Au pays d’Astérix il y a deux modes officiels que sont la plongée en structure d’APS (Activité Physique et Sportive) et la plongée hors structure que l’on qualifie aussi « entre amis » (ou seul). La première est règlementée par le Code Du Sport et se déroule généralement en club associatif ou en structure commerciale. La seconde n’est pas réglementée et fait appel à nos propres moyens et implique d’avoir tout son équipement et les moyens de transport ad hoc (terrestre et maritime).

Le premier constat que l’on peut faire rapidement est que la plongée demande d’avoir un matériel conséquent pour soi-même mais aussi pour se rendre sur le lieu de plongée. Tout le monde n’est pas en mesure de se payer l’ensemble de ce matériel pour pratiquer et d’ailleurs beaucoup de plongeurs n’ont qu’une (toute petite) partie de cet équipement voire aucun.

Selon les dernières enquêtes menées en France (Etude nationale de 2005, Etat des connaissances des activités plongée méditerranéenne en 2014) et les bilans annuels de la FFESSM on arrive globalement, en France, aux chiffres suivants : 64% de N1, 24% de N2 et 11% de N3 (inclus les aptitudes PA/PE délivrées). Le 1% manquant a été perdu dans les arrondis fait par défaut. On sait également que les plongées réalisées en structure représentent environ 84% et donc que le hors structure s’octroie les 16% restants. Ces chiffres inclus non seulement les plongeurs en scaphandre mais aussi les chasseurs, apnéistes et snorkeleurs (promenade en PMT). Dans le hors structure la plongée scaphandre ne représente que 27% alors que le snorkeling culmine à plus de 63%. En reprenant la valeur de 16% pour les activités hors structure cela signifie que les plongeurs scaphandre ne représentent que 4% (27% de 16%) du total. Ceci nous montre que le nombre de plongées scaphandre réalisé par des individuels avec leurs propres moyens est tout simplement négligeable par rapport à la pratique en club (pro et bénévole).
On constate d’ailleurs que ces valeurs sont restées relativement stables depuis l’enquête nationale ESIEE qui date tout de même de 2005. Cependant on remarque que le nombre de licenciés fédéraux régresse depuis de nombreuses années. Quant aux brevets délivrés, ils chutent encore plus fortement et l’arrivée des aptitudes PA et PE en 2010 n’a pas endigué ce phénomène.

Les statistiques nous montrent donc que la plongée sous-marine avec scaphandre se pratique essentiellement en structure. Ceci s’explique assez facilement par le fait que les deux tiers des plongeurs (64% de N1) ne sont pas autonome et vont donc naturellement se tourner vers des clubs qui pourront les accueillir et les encadrer. Environ un quart (24% de N2) n’est que partiellement autonome et préfèrera être encadré pour se promener dans la zone 20-40 mètres plutôt que de se faire sa propre expérience en hors structure. Il faut bien reconnaitre que le système français, au contraire des écoles anglo-saxonnes (RSTC ou même CMAS), n’incite pas vraiment les gens à se prendre en charge. Pour information un CMAS 1* Suisse est autonome à 15 mètres et 20 mètres pour le plongeur BSAC (Royaume-Uni). Même avec le niveau 3 on s’aperçoit que la responsabilisation des plongeurs n’est pas un point fort en France. Nous détaillerons ce sujet plus loin.

N’oublions pas également que la très grosse majorité des niveaux 1 et 2 ne sont pas ou très peu équipés. Les structures commerciales et associatives pourront alors fournir tout ces plongeurs en matériel. Un autre point important est que pour beaucoup de plongeurs l’activité est avant tout un loisir que l’on souhaite pratiquer en toute simplicité et sans prise de tête. Le support d’un club d’accueil offrira un cadre sécurisé et convivial qui évitera bien des tracasseries et apportera la tranquillité d’esprit propice à une véritable période de détente. La raison du faible niveau d’équipement des plongeurs est extrêmement simple et se trouve dans le coût élevé du matériel. A cela s’ajoute un niveau de pratique faible et ponctuel de l’activité principalement lors des prises de congés. Ces 2 points expliquent pourquoi les néophytes ont peu d’intérêt à s’encombrer d’un matériel qui ne sera que très peu utilisé. Les statistiques nous montrent d’ailleurs que le nombre moyen d’immersions par plongeur en France ne dépasse pas les 8 par an.

A l’inverse des écoles anglo-saxonnes notre système a été conçu pour s’auto-alimenter. En effet, la dépendance des plongeurs, très forte comme on a pu le constater, permet de faire vivre toute la chaine des encadrants du niveau 4, Guide de Palanqué, jusqu’au dernier maillon. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de détailler ce sujet un peu plus loin.

Voyons maintenant les aspects de la plongée qui pourront mettre en exergue cette notion de liberté voire de non liberté potentielle. Pour nous aider dans notre enquête nous irons également voir ce qui se passe chez nos voisins pour avoir une base de comparaison.

Prenons par exemple la première chose auquel sera confronté le débutant; la formation. Aura-t-il le choix de l’enseignement désiré ? A priori rien ne lui interdit de faire une formation FFESSM ou ANMP ou encore PADI, SSI, GUE, etc. Cependant avant même d’aborder le choix de la formation il serait peut-être bon de se pencher sur le Code Du Sport (réglementation du sport (en générale) qui inclut la plongée) qui précise que pour plonger en structure il faut un diplôme d’un des organismes français ou CMAS. Aïe, cela restreint d’un seul coup notre choix. On pourra trouver sans problème une organisation nationale ou même d’obédience nord-américaine (PADI, SSI, etc.) voire autre mais encore faut-il pouvoir en profiter immédiatement et surtout sereinement. En résumé le choix de la formation en France se retrouve singulièrement limité. Cette impression est d’autant plus renforcée que si l’on traverse la frontière pour aller en Suisse, Allemagne, Belgique, Italie, Espagne, l’éventail des formations est équivalent (avec une représentation plus forte des écoles anglo-saxonnes) mais surtout directement exploitable (sans restriction) car, au contraire de la France, il n’existe aucune réglementation (ou très peu) et toutes les organisations sont reconnues sans distinction.

Le problème deviendra Kafkaïen pour enseigner. Impossible d’enseigner sur le territoire français sans posséder un brevet national et cela que l’on soit professionnel ou bénévole. Cela signifie, par exemple, qu’un instructeur SSI ou PADI (pro ou bénévole) devra être titulaire d’un brevet de moniteur français pour pouvoir dispenser des formations SSI/PADI. Cette situation peut sembler ubuesque mais malheureusement bien réelle. Ne parlons pas du brevet d’état qui est une spécificité française qui n’existe nulle part ailleurs et qui n’a donc que peu d’intérêt si ce n’est de faire vivre les CREPS (centres de formation des professionnels du sport gérés par l’état). Que ce soit des brevets de plongeur ou d’enseignant cette situation reste unique en Europe (et dans le monde).
Plonger en structure signifie donc se soumettre à l’ensemble des règles édictée par le Code Du Sport, et de façon générale à l’organisation française de la plongée avec ses nombreuses contraintes, etc.

Un autre point qui me semble important d’aborder est le concept de responsabilité en lien avec la liberté. Le postulat est que la liberté ne peut se concevoir que si la personne est responsable d’elle-même. Nous avons introduit plus haut ce sujet avec les brevets niveau 1 et 2 qui ne sont pas ou que partiellement autonome. Il en est de même avec les aptitudes PE (Plongeur Encadré) qui par définition déresponsabilise totalement le plongeur et en corollaire le prive d’une partie de sa liberté même s’il semble en avoir fait le choix. Le système n’incite d’ailleurs pas à devenir autonome voire même plutôt le contraire.

Savez-vous qu’à l’origine la phase d’encadrement des plongeurs, avant qu’ils ne deviennent autonome, n’a pas été uniquement conçu dans un objectif d’acquisition de compétences et de progression du plongeur ? La non autonomie des plongeurs permet de créer et de justifier une autre filière qui est celle des encadrants et de ses différents niveaux hiérarchiques. Le système a besoin de ses cadres (formateurs et guides) pour vivre et se développer mais une fois tout ce petit monde en place il faut aussi avoir suffisamment d’activité pour l’occuper. La formation à elle seule n’étant pas suffisante. La solution logique a été tout simplement de rallonger la période de formation par des étapes, à l’excès, de dépendance du plongeur. On aurait pu imaginer que le plongeur obtienne une autonomie ou accroisse celle existante après une expérience significative, comme plongeur encadré, validée par un moniteur (sans avoir à repasser un nouveau diplôme). Malheureusement cette judicieuse alternative était contre-productive et nous renvoyait au point de départ ; comment justifier et occuper nos encadrants ?

Les formations de moniteurs français sont les plus longues et fastidieuses au monde et ne parlons pas de celles des brevets d’état qui ont un coût astronomique et disproportionné au vu des besoins réels sur le terrain. On comprend aisément que dans ce contexte un excès de plongeurs autonomes entrainerait toute cette belle mécanique dans un profond marasme. Tout ceci explique pourquoi nous sommes le pays ayant le plus de brevets et de plongeurs sous assistance.

Cette logique de dépendance, très ancienne, n’a d’ailleurs pas été oublié par les cadres actuels. Elle a été relancée de plus belle en 2010 lors de la création des aptitudes PA/PE et ceci nous amène au constat suivant. Au-delà du fait, comme déjà vu, que nous sommes le pays ayant le plus de plongeurs encadrés non autonomes, nous détenons également d’autres records peu glorieux. En effet, notre système est le seul au monde à avoir des plongeurs non autonomes sur une hauteur de 40 mètres d’eau (PE40) et même 60 mètres d'eau avec le PE60. Est-ce bien raisonnable ?
Initialement le PE60 devait être au minimum PA20 (niveau 2 pour être plus précis) mais cette condition a disparue dans une version du MFT (Manuel de Formation Technique) en 2019. Et tout cela avec une expérience de tout juste 20 plongées en entrée de formation. On constate d'ailleurs que cela fait bien longtemps que la FFESSM a totalement écarté la notion d'expérience au profit d'une compétence technique. Cette dernière est, bien sûr, utile mais ne contribue en rien à l'expérience du plongeur.

Pour revenir au sujet de départ on remarque que nos encadrants détiennent le triste record de l’encadrement (au sens pénal du terme) à la plus grande profondeur (60 mètres) en plongée loisir à l’air. Et en corollaire nous détenons donc le record de profondeur du plongeur non autonome (PE60 : 60 mètres) toujours en plongée loisir à l’air. Nos moniteurs font preuve d’un courage et d’un sens des responsabilités inégalé en plongée scaphandre sur la planète.

Cette responsabilité dicte d'ailleurs, quelquefois, à nos moniteurs de refuser d'encadrer mais aussi de former. Depuis l'apparition des PE40 et 60 il n'est, en effet, pas rare de voir des guides de palanquée refuser d'emmener de stricts PE40 ou encore des moniteurs de former des PE60 n'ayant aucune aptitude d'autonomie. Cette situation semble être unique dans toute l'histoire de la plongée française.

Le concept de responsabilité (et en corollaire de déresponsabilisation) est également poussé à son paroxysme chez le directeur de plongée (DP). Dans les systèmes étrangers cette qualification est inexistante hormis peut-être chez nos amis anglais du BSAC (Dive Manager) qui est très hiérarchisé. Cependant les fonctions et responsabilités sont mieux réparties entres les acteurs (plongeurs y compris). Ce qui réduit grandement la charge du responsable de l’activité. De plus au Royaume-Uni (comme ailleurs sauf en France) il n’y a pas de réglementation nationale de la plongée. Ce qui signifie que les responsables de cette organisation (comme les autres) ne le sont qu’au sein de leur paroisse au contraire de la France ou l’obligation de la fonction de directeur de plongée a une portée nationale et ce quel que soit l’école (modèle de plongée unique). Une autre différence de taille est qu’à l’étranger une agence de plongée peut faire évoluer son système du jour au lendemain sans contrainte, ce qui est impossible en France à cause de la réglementation qui entrave toute liberté d’action et impose une organisation à la française.

La responsabilité du DP français est extrêmement large car il organise l’activité, défini les palanqués, affecte les aptitudes à chaque plongeur puis établi la fiche de sécurité, fixe les paramètres de la plongée, s’assure que tous les éléments en matière de sécurité sont réunis et présents (matériel de sécurité voire également de navigation), déclenche les secours le cas échéant, etc. Bref, c’est sans aucun doute le superman de l’équipe. On l’affuble aussi couramment d’un surnom à la hauteur de ses capacités : « Dieu le Père » (DP). Il peut, en effet, presque tout. Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement ici est sa capacité à affecter des aptitudes à des plongeurs qui sont déjà brevetés (ou pas). Il peut surclasser ou déclasser un plongeur à sa convenance et, bien sûr, sous son entière responsabilité. Il le fera en fonction du pedigree du plongeur, de son expérience récente ou éloignée voire de son humeur (celle du DP) personnelle du moment. Dans tous les autres systèmes de plongée il y a un responsable de l’organisation comme au club Med ou dans n’importe quelle structure mais la responsabilité de cet organisateur ne s’étend pas aussi loin. Dans le monde entier (hors France) une part de responsabilité est laissée au plongeur d’autant plus s’il est breveté autonome. Le plongeur est majeur et engage sa propre responsabilité quant à ses compétences et son expérience mais pas ou très peu en France. Cette capacité (par voie réglementaire) à définir un niveau (par excès ou par défaut) et à déresponsabiliser le plongeur est tout simplement incroyable et inconcevable pour un étranger (l’excentricité gauloise diront certains).

Un autre sujet très intéressant à analyser est la différence de traitement dans la liberté que nous pouvons avoir à l’étranger en comparaison avec ce que nous réservons aux étrangers sur notre sol.

Prenons l’exemple d’un groupe auto-encadré français qui partirait au-delà de nos frontières pour se faire plaisir à l’Estartit (Espagne), en mer rouge (Egypte) ou encore dans une carrière belge ou allemande voire un lac suisse. Notre petit groupe de français trouvera tout naturel de mettre en place une organisation à la française avec son DP, ses niveaux 4 qui encadreront jusqu’à 20 ou 40 mètres ainsi que ses moniteurs E2 (N4 initiateur) et E3 (MF1) qui pourront tranquillement enseigner jusqu’à 20 ou 40 mètres comme ils le font en France. La seule limite potentielle qui leur sera imposée est celle des 40 mètres pour la plongée à l’air en Espagne ou encore Egypte et voire même en Belgique pour une carrière. Si nos français veulent descendre en dessous des 40 mètres, il leur faudra une qualification nitrox confirmé (Espagne, Egypte) pour réaliser une décompression avancée. Hormis ces derniers point les limitations seront surtout celles édictées par le code du sport qui se voit imposées aux plongeurs français en structure et cela même à l’étranger !

Imaginons maintenant le cas inverse du groupe auto-encadré Belge, Allemand, Espagnol ou autre qui vient plonger en France. Une fois arrivé sur le sol français tout ce petit monde se retrouvera soumis aux règles du code du sport plongée, c’est à dire à l’organisation de la plongée à la Française. Nos amis Belges, Allemands, Suisses, Espagnols devront dorénavant plonger, avec leurs brevets CMAS (pour ceux qui en ont), selon les prérogatives françaises inscrites dans le CDS (obligation de connaitre la réglementation française pour les étrangers). Ce changement ne sera cependant que rarement à leur avantage. En effet, les plongeurs CMAS 1* Suisse ou encore BSAC perdront l’autonomie qu’ils ont dans leurs pays respectifs pour se retrouver encadré. De même pour les CMAS 2* BSAC ou Suisse qui ont des prérogatives d’autonomie au-delà des 20 mètres. Il ne pourront guère plus s’appuyer sur les prérogatives définies dans les standards CMAS (autonomie beaucoup plus présente que dans le système français). Tout cela ne sera pas sans conséquence sur l’organisation du groupe, comme nous allons pouvoir le constater, car il faudra alors disposer d’encadrants en nombre suffisant.

Un moniteur CMAS 2 étoiles (équivalent MF1) pourra tenir la fonction de DP. Par contre le code du sport ne reconnait pas les Guides de palanquée CMAS 3* (équivalent du Niveau 4 français). Seul un niveau 4 français est reconnu comme Guide de palanquée. Ou alors il faudra que les plongeurs CMAS 3* étrangers fassent, au préalable, une demande à la FFESSM (qui potentiellement pourra être refusée) pour obtenir une carte de Guide de palanquée Conventionné. Voici une contrainte administrative dont nos voisins CMAS ce seraient bien passés. La disparition du plongeur CMAS 3* comme équivalent N4 a été acté dans le CDS 2010 à la demande de la FFESSM pour invalider, sur le territoire français, tous les brevets CMAS 3* passés à l’étranger. Cette procédure permet ainsi à la FFESSM de contrôler toutes les entrées de brevets d’encadrant CMAS 3* dans l’hexagone et d’exclure tous les possesseurs de certifications qui ne correspondraient pas aux critères d’obtention de la FFESSM. C’est donc la FFESSM qui, sur dossier, décidera si un brevet CMAS 3* est jugé équivalent (ou non) à son niveau 4 Guide de palanquée. Et oui vous avez bien lu !

Les groupes étrangers, à l’inverse de chez nous, sont non seulement composés de plongeurs CMAS mais aussi RSTC (PADI, SSI, IDEA, etc.). Cela veut dire que le DP étranger (moniteur CMAS 2*) devra affecter, sous son entière responsabilité, une aptitude PA/PE aux plongeurs RSTC de son groupe. Chose qui lui était totalement inconnue (et inutile) dans son pays. Cela demandera surtout au directeur de plongée étranger d’avoir une connaissance parfaite des règles françaises et tout cela pour une simple activité de loisir. Pensez-vous qu’un moniteur CMAS** (au minimum) étranger va s’amuser à lire et surtout essayer de comprendre une réglementation française sachant que même les plongeurs hexagonaux ont de réelles difficultés à appréhender toutes les subtilités pour ne pas dire l’absurdité du CDS plongée ?

Bref, vous commencez à entrevoir le casse-tête auquel sera confronté un groupe étranger et auto-encadré une fois arrivé sur le sol français. Dans la vraie vie les plongeurs étrangers ne s’embêtent pas avec toutes ces tracasseries dont ils ne comprennent pas grand-chose (idem pour beaucoup de plongeurs français d’ailleurs). Ils se font généralement accueillir par une structure commerciale ou un professionnel brevet d’état les prendra en charge de bout en bout et plus particulièrement pour tenir la fonction de DP et leur expliquer les finasseries de ce système pour le moins insolite. La problématique des guides de palanquée CMAS 3* restera cependant bien entière. Certains groupes se verront d’ailleurs obligés de demander l’encadrement ad hoc à la structure professionnelle pour compenser cette mesure discriminatoire. Il va de soi que pour nos professionnels de la plongée cette mesure n’est pas sans intérêt… pécuniaire !

Le revers de la médaille de toute cette complexité et discrimination est que beaucoup de clubs étrangers ont pris la décision de changer de destination pour faire leurs validations ou explorations. L’Espagne ou l’Italie, à peine plus loin que les côtes méditerranéennes françaises pour un club Belge, Anglais, Allemand ou Hollandais, offre dorénavant de bien meilleures prestations et surtout sans discrimination. L’Egypte reste également une destination phare avec beaucoup moins de contraintes. Hors France, les plongeurs étrangers pourront mettre en place leur propre organisation sans que personne n’y trouve à redire.

Pour la petite anecdote, les dirigeants de notre fédération délégataire sont bien conscients (et pour cause ils en sont à l’origine) des nombreuses tracasseries dont sont victimes les plongeurs étrangers (CMAS ou autres) et font eux-mêmes référence à des « mesures ressenties comme vexatoires ». On peut s’estimer heureux que de telles mesures discriminatoires associées à une complexité règlementaire ne soient effectives qu’en France. Imaginez un instant si toutes les principales destinations plongée mettaient des procédures équivalentes en place. C’est simple, on pourrait estimer qu’une fraction non négligeable des plongeurs loisirs décideraient, tout simplement, de passer à une autre activité moins contraignante afin d’éviter toutes ces procédures humiliantes.

Nous voilà presque arrivé à la fin de cet article et ces nombreux exemples nous permettent de répondre, sans détour, à la question initiale. La réponse est donc évidente et confirme que la plongée n’est pas aussi libre en France que l'on aimerait nous le faire croire et à des degrés différents selon que vous gravissez les échelons de la hiérarchie ou que vous les descendez ou bien encore que vous soyez français ou étranger. En France la plongée est contrôlée, à tous les niveaux, et fermement réglementée. La liberté coute très cher et elle ne concerne que quelques plongeurs qui ont les moyens de se la payer (plongée hors structure). Au final on peut même affirmer que la France est l’un des rares pays ou la plongée sous-marine n’est pas libre.

Aujourd’hui, en matière économique, la concurrence déloyale ou les abus de position dominante (site de la DGCCRF) sont légions et font souvent les premières pages des quotidiens nationaux et locaux. Si on regarde honnêtement le modèle de plongée français on ne peut que constater que la situation concorde parfaitement avec ces définitions et l’état est non seulement partie prenante mais avant tout le promoteur de cette situation.

Sur le site de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) on peut lire l'encadré suivant correspondant parfaitement au cas français :

Abus de position dominante :
Le cas de position dominante le plus caractérisé est la position de monopole, a fortiori si cette situation n'est pas ponctuelle (cas où une entreprise est la première à intervenir sur un marché émergent) mais résulte de la difficulté pour d'autres opérateurs d'entrer sur le marché (existence de barrières de nature réglementaire, technologique ou autres, etc.).

On a tous lu, constaté ou entendu que la plongée française éprouvait régulièrement de nombreuses difficultés que ce soit sur le plan économique ou social (crise du bénévolat, chute des adhérents/brevets, manque d’encadrants bénévoles comme de diplômés d’état, difficultés financières des structures commerciales, réglementation trop contraignante, etc.). Situation qui au mieux s’enlise et au pire s’aggrave d’année en année. Étrangement ce constat est d’ailleurs partagé par les fossoyeurs de la plongée française. Mais cela n’empêchera aucunement les fonctionnaires du ministère des sports comme les dirigeants de la FFESSM de continuer, doucement mais surement, à creuser la tombe.

A cela il ne faut pas trop s’en étonner car l’état et plus particulièrement le ministère chargé des sports a confié à sa fédération délégataire le soin de lui proposer les textes réglementaires. Comme le dit l’adage « on n’est jamais mieux servi que par soi-même ». Et la FFESSM ne s’en est pas privée car cette place privilégiée lui a permis de pérenniser son système et d’obtenir le monopole de la plongée dans l’hexagone. De plus, en tant que fédération délégataire elle est la référence en matière de formation et d’organisation de la plongée et les autres agences nationales (bénévoles comme professionnelles) ne peuvent que reprendre, à quelques détails près, le canevas proposé par cette dernière. Ceci explique pourquoi les programmes de formation des organisations françaises ne présentent que très peu de différences (système mono-culturel) même si certaines écoles auraient bien aimé se distinguer du leader auto-proclamé. A l’opposé de quelques agences nord-américaines qui se sont associées (via le RSTC), librement, pour créer des standards, les organisations françaises se sont vu imposer un modèle.

On constate souvent dans les discussions sur le système français que la liberté pédagogique est assurément l’une des principales qualités évoquées. Cette liberté est indiscutablement le grand paradoxe de la plongée française. Le système est solidement verrouillé, fermé puis imposé mais, pour faire illusion, on vous offre la liberté de le déployer… (presque) comme bon vous semble !

 

NOTA : pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec le mode de gouvernance du sport en France, je leur conseillerais de faire une recherche sur internet avec les termes « organisation sport France » et « sport France fédération monopole ».
Pour compléter vos recherches n’hésitez pas regarder la définition de « l’environnement spécifique » qui emprisonne encore plus surement les activités/sports concernés et particulièrement la plongée en scaphandre qui a eu le droit à un traitement de faveur.

Pour aller plus loin sur le sujet je vous invite à lire les articles « Pourquoi avons-nous un CDS » et « Coup de gueule au sujet du CDS 2012 » sur le site recycleur.free.fr.