Brevet d'Enseignement de la Plongée Profonde à L'Air.
Par Webmaster le 2 novembre 2024.

Quézako le BEPPA ???
Un célèbre humoriste nous disait ; on s’autorise à penser dans les milieux autorisés ! Depuis quelque temps, dans le milieu de la plongée, s'autoriserait-on à penser à une plongée profonde moderne ?

BEPPA est l'acronyme de Brevet d'Enseignement de la Plongée Profonde à L'Air. En février 2024, la commission Technique Nationale (CTN) de la FFESSM a validé la création de deux nouveaux brevets de cadre. Le second brevet est le formateur fédéral de moniteur (FFM) qui offre aux moniteurs E3 (MF1) licenciés à la FFESSM, les prérogatives de prendre en charge et de valider les séances réalisées par un stagiaire préparant le diplôme de Moniteur Fédéral 1er degré dans le cadre de son stage en situation.

La plongée française, un régime de semi-liberté
BEPPA : un vrai module d'enseignement de la plongée profonde ?

Le BEPPA, comme son nom le laisse supposer, donnera aux MF1 des prérogatives d’enseignement dans la zone des 40-50m, réservées jusqu'alors aux MF2. Les titulaires de cette qualification deviendront de fait, E4 tel que défini dans le Code du Sport. Avec ces nouveaux brevets, la formation de MF2 deviendra modulaire en la scindant en deux parties distinctes. Une partie pour la pédagogie au second degré (FFM) et une autre pour l'enseignement de la plongée profonde (BEPPA). L'association de ces deux modules donnera, de facto, au récipiendaire le titre de Moniteur Fédéral 2éme degré. Cette évolution dans la formation des MF2 devrait devenir effective en 2025.

Cette réforme du cursus MF2 est une demande de longue date pour faciliter l'accès à la formation aux membres bénévoles de la FFESSM. Cette nouvelle voie d'accès serait également susceptible de ralentir la chute régulière des postulants depuis plus d'une dizaine d'année. Les dernières informations de cette réforme sont disponibles sur le site fédéral, dans le compte-rendu du CDN (Comité Directeur National) de février 2024 (§12.3).

Toute évolution est bonne à prendre quand elle va dans le bon sens, mais la véritable nouveauté se trouve avant tout dans le module BEPPA qui n'existait pas auparavant (hormis, en partie, chez les pros avec le module complémentaire du DEJEPS). En effet, la véritable innovation ne concerne pas la partie pédagogique (FFM) qui était le cœur des activités du MF2, mais bien l'enseignement de la plongée profonde qui présente de nombreuses lacunes. Enseignement qui se limite, dans le cursus français de plongée à l'air, au niveau 3 de plongeur. Et comme abordé dans plusieurs articles de "Plonger En France", on peut constater que ce brevet n'a pour ainsi dire jamais évolué depuis sa création en 1982. Une mise à jour, et même une réforme ne serait peut-être pas inutile !

Que pourra-t-on attendre de ces nouveaux formateurs en plongée profonde ? Les contenus de formation sont inconnus à ce jour, mais devraient reprendre la partie plongée à 50m du MF2 avec en plus l'emploi du nitrox pour la décompression. La qualification nitrox confirmé devient obligatoire pour les formateurs à la plongée profonde. Cependant, cette obligation ne concernera pas les plongeurs dans le cadre de leur formation.

Voici une suggestion adressée aux dirigeants de la fédération. À l'occasion de cette réforme, la FFESSM pourrait alléger le cursus MF1 en supprimant l'obligation d'avoir le permis bateau pour l'obtention de ce brevet. Rappelons que la très grosse majorité des MF opèrent dans l'intérieur des terres et n'utiliseront jamais ce permis inutile et qui coûte cher (Permis + timbres fiscaux : environ 450 euros). La certification Nitrox Confirmé serait certainement beaucoup plus utile pour développer le nitrox en France et améliorer la sécurité de nos plongées.

Les fondations d'une nouvelle approche de la plongée profonde, seraient-elles en marche ? La question est de savoir si elles seront suffisamment solides et ambitieuses pour contenter les plongeurs les plus exigeants et en attente d'une formation sérieuse et cohérente avec notre niveau de connaissance actuelle que ce soit sur le plan théorique ou matériel.

Les paroles du président de la commission technique nationale (CTN) nous laissent à penser (toujours dans les milieux autorisés !) que certains cadres ont pris conscience du retard accumulé depuis de longues années, mais aussi des attentes fortes des plongeurs.

Dixit le président de la CTN : Nous sommes un des seuls pays à travers le monde à plonger à l’air dans la zone des 40-60m. Pour conserver cette pratique, il faut adapter nos cursus pour les rendre plus cohérents avec les évolutions techniques et matérielles, mais aussi avec les nouvelles connaissances théoriques (en particulier sur la décompression). Si nous ne changeons rien, nous ne sommes pas à l’abri de subir un jour une modification du CDS avec limitation de la plongée à l’air à 50m voire 40m. Notre problématique est donc de rajeunir, féminiser et moderniser notre pratique.

J'apporterais une petite précision au sujet des propos du président de la CTN. Nous ne sommes pas les seuls, loin de là, à plonger à l'air dans la zone 40-60 mètres (idée très répandue, en France). Par contre nous restons parmi les rares à plonger uniquement à l'air dans cet espace. Partout ailleurs dans le monde, la plongée nitrox s'est développé et dans le cas des plongées profondes une décompression avec un nitrox (ou O2 pur) riche en oxygène est devenu la norme. Tous les Français qui ont un tant soit peu voyagé à l'étranger ont pu le constater. A l'inverse en France, la déco nitrox comme le nitrox en mélange fond reste des exceptions. Le nitrox en France est toujours resté à l'état embryonnaire faute d'ambition et de courage de la part des instances fédérales. Dans les principales destinations plongée, les formations de type "Extended Range" (ou équivalent) sont devenues des standards dans le cadre des plongées profondes. Le niveau 3 Français reste l'un des rares à plonger avec un niveau de connaissance et de moyens au strict nécessaire. Ce dernier point était d'ailleurs un des arguments de la qualification de plongeur autonome (1982 : création de la QUALIFICATION de plongeur autonome qui deviendra ensuite le NIVEAU 3) à une époque glorieuse, mais aujourd'hui révolue. Notre problème est que le principal acteur de la plongée française vit encore et toujours dans le souvenir de la Caplypso et de son célèbre équipage. Quelques hauts cadres en sont conscients, mais restent malheureusement minoritaires au sein de l'institution.

Dans son message, le président de la CTN fait allusion à une limite de profondeur pour la plongée dite "de loisir" à 40 mètres, car il sait bien que c'est devenu un standard pour toutes les écoles, à de très rares exceptions, qu'elles soient d'obédience européenne ou nord-américaine. L'élite fédérale prépare, à contre-coeur, les esprits, car la France y viendra un jour ou l'autre. N'oublions pas que c'est le ministère de la Jeunesse et des Sports qui en 2012 a imposé la limite à 40 mètres pour les niveaux 3 en l'absence d'un directeur de plongée (CDS 2012, Art. A. 322-99).

Le module d'enseignement de la plongée profonde intéressera d'une part, les futurs postulants au MF2, mais aussi et surtout les MF1 qui ne souhaitent pas se lancer dans la pédagogie au second degré (formateur de cadres) mais qui désirent tout simplement se consacrer à la formation des plongeurs. Cela concernera la formation des niveaux 3, mais aussi la fonction de DP (Directeur de Plongée) dans le cadre des plongées trimix. Aujourd'hui, un MF1 titulaire de la qualification PTH120 est DP trimix en exploration jusqu'à 70 mètres (+ enseignement à 40). Avec le BEPPA, ce dernier pourra prétendre à être DP en exploration au trimix jusqu'à 120 mètres et enseigner jusqu'à 80 mètres comme le fait aujourd'hui un MF2.

La partie trimix ne concernera cependant qu'une minorité de plongeurs et de clubs associatifs, car elle demande des moyens importants que fournissent principalement les structures commerciales. Le DP trimix est donc dans la majorité des cas, un BEES2 ou DESJEPS. Il existe tout de même quelques clubs associatifs proposant le trimix, mais ces derniers restent relativement marginaux. Les clubs associatifs seront potentiellement beaucoup plus intéressés par les nouvelles prérogatives profondes de leur MF1 dans le cadre des formations des niveaux 3 (+ accessoirement PE60). La question est bien sûr, de savoir si un moniteur avec des prérogatives à 50 mètres est vraiment utile pour former des niveaux 3 ?

Aujourd'hui, tous les exercices du niveau 3, comme du PA40, se réalisent à 40 mètres. Avec l'arrivée du BEPPA, peut-on espérer une évolution des compétences du niveau 3 qui est un PA60 et non 40 ? Soyons clair, il y a peu de chances que les contenus de formation évoluent, car cela mettrait, de fait, hors course tous les MF1 de base et donc un manque crucial de moniteurs seconds degrés techniques (MF2 ou MF1 BEPPA) pour réaliser les formations PA60. Avoir la qualification BEPPA uniquement pour emmener, au-delà des 40 mètres, un niveau 3 en cours de formation semble disproportionné par rapport aux efforts à fournir pour un MF1. D'autant qu'il n'y a pas d'exercices de prévus au-delà des 40m, juste de l'encadrement. Ce qui veut dire que cela n'apportera rien de mieux au futur niveau 3 qui était tout simplement accompagné pour sa première plongée au-delà des 40 mètres, après délivrance du N3, par un plongeur confirmé ou un MF1. N'oublions pas également le coût de la formation BEPPA et le temps à y consacrer. Le jeu, en vaut-il la chandelle ?

Concernant les prérogatives de l'encadrant, on peut réellement se poser la question de l'utilité d'un second degré juste pour faire de l'accompagnement (aucun exercice), au-delà de 40 (zone 40-50m), d'un plongeur niveau 3 en fin de formation. Si une formation est vraiment utile, ne serait-ce pas plus simple d'enrichir les compétences des MF1 pour réaliser cette plongée. Rappelons encore une fois, qu'il n'y a aucun exercice dans cette zone. Ceci est une question récurrente qui ne date pas d'hier. La réalité est que nous sommes dans un banal problème d'ego en empiétant sur le terrain, chasse gardée, des MF2.

En corollaire, l'arrivée du BEPPA, sera-t-elle une transition avant que la formation des MF1 n'intègre d'office des prérogatives à 50 mètres avec pour objectif de pouvoir réaliser le cursus complet de plongeur (de 0 à 60 mètres) ? Lá, nous aurions un programme ambitieux, certainement trop pour une vieille dame comme la FFESSM.

Le MF1 pour l'enseignement au 1er dégré (plongeur) et le MF2 pour la formation des cadres. Dans cette configuration, le module BEPPA trouverait alors tout son intérêt pour la formation des niveaux 3. Cela supposerait, bien sûr, que le niveau 3 évolue vers un véritable brevet de plongeur profond avec une orientation plus technique comme c'est le cas pour un Extended Range, disponible non seulement dans l'école nord-américaine, mais aussi à la CMAS. Autre solution, limiter le niveau 3 à une plongée dans la zone des 40/45 mètres et créer un nouveau module "Extended Range" pour aller au-delà. L'aptitude PA40 n'ayant alors plus aucun intérêt. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que les aptitudes PA20 et 40 ne sont que des versions dégonflées de quelques artifices des niveaux correspondants (niveaux 2 et 3). Niveau ou aptitude, les candidats sont validés aux mêmes profondeurs avec les mêmes exercices (au pouillème près, mais qui permet de se donner bonne conscience). Intrinsèquement, les aptitudes n'ont donc que peu intérêt si ce n'est de complexifier un système qui l'est déjà trop et tout cela pour de fallacieuses raisons (meilleure intégration des brevets étrangers).

Depuis l'année 2023, l'ancien module CMAS Extended Range Nitrox semble avoir disparu pour être remplacé par le cours "CMAS ACCELERATED DECOMPRESSION DIVER". Ce module reprend la philosophie de l'Extended Range mais pourrait également s'inspirer du module éponyme du BSAC. Pourquoi réinventer un module qui existe déjà ailleurs et qui donne entière satisfaction ?

Bref, la FFESSM a de nombreuses options à sa disposition. Elle peut s'inspirer de ce qui est fait à la CMAS ou encore chez son voisin du BSAC sans oublier les différentes configurations usitées dans l'école nord-américaine. De plus, ces programmes aux appellations anglo-saxonnes présentent l'indéniable avantage, par rapport à nos brevets nationaux, d'être connues et reconnues partout dans le monde sans avoir a présenter une équivalence de type CMAS pour être accepté. Mais comme dit auparavant, ces propositions restent (beaucoup) trop ambitieuses et en totale contradiction avec l'esprit d'une fédération nostalgique d'une époque ou elle pouvait encore se targuer d'être le fer de lance de la plongée mondiale. L'espoir de retrouver une position de leader international n'est plus qu'un doux rêve qui s'évapore au fil du temps.

Au final, on peut réellement se poser la question, dans le contexte actuel, de l'utilité de ce module BEPPA en dehors de la modularité apportée pour accéder à la formation de MF2. Ce qui en soi, est déjà une (petite) amélioration... attendue de longue date. Mieux vaut tard que jamais !

Les prérogatives d'un BEPPA pourront apporter une bouffée d'air pour les clubs qui pratiquent la plongée trimix. Pour les formations de plongeur niveau 3, l'intérêt en sera beaucoup plus limité comme nous avons pu le voir, d'autant plus si ce dernier n'évolue pas.

À l'étranger ou même en France, dans le cadre des formations "Extended Range" qui serait l'équivalent nord-américain le plus proche de notre niveau 3, les plongeurs sont amenés à évoluer au-delà des 40 mètres. La formation "Extended Range" dispensée dans l'hexagone par les centres TEC est souvent présentée comme un complément indispensable au niveau 3 pour développer ses connaissances techniques mais aussi théoriques puis gagner en expérience en plongée profonde à l'air. Cette formation impose de fait, sur notre territoire, le niveau 3. Ce qui veut dire que le candidat a déjà les prérogatives pour passer le cap des 40 mètres. Et si des exercices sont réalisés au-delà des 40, l'encadrant doit alors être second degré (E4).
À l'étranger, les pré-requis à l'Extended Range sont ; les certifications Advanced Nitrox, Deco Procedures et Deep Diver (40 mètres sans déco) avec 25 plongées au-delà des 30 mètres et 100 plongées enregistrées sur le carnet (idem pour l'Accelerated Decompression Diver de la CMAS). Au contraire de la France, le candidat descendra sous les 40 mètres, pour la première fois, dans le cadre de sa formation Extended Range.

On peut remarquer que les conditions d'entrée pour une formation à la plongée profonde nord-américaine sont beaucoup plus exigeantes que chez nous. Rien d'étonnant à cela, car depuis longtemps à la FFESSM, les plongées d'expérience en entrée de formation ont été supprimées et remplacées par des compétences. Du coup, un plongeur peut enchaîner tous les brevets du N1 au N4 avec comme seule expérience les plongées effectuées durant les formations. Le bilan, est qu'on observe depuis cette permutation (expérience => compétence), des postulants au niveau 3 voire même 4 se présenter avec tout juste une petite trentaine de plongées au compteur. Les compétences sont utiles mais ne remplacent en aucune manière l'expérience.

Pour les écoles nord-américaines une expérience significative et l'obligation d'être nitrox confirmé sont des pré-requis indispensables pour entamer une formation à la plongée profonde (au-delà des 40 mètres). L'enseignement dispensé est également beaucoup plus ambitieux et exigeant et fait appel à toutes les connaissances et techniques actuelles pour organiser, préparer, planifier et réaliser dans les meilleurs conditions une plongée profonde à l'air. Connaissances que l'on retrouve principalement dans la formation trimix normoxique du système français.

Longtemps, l'élite fédérale a dénigré les formations nord-américaines sans en comprendre la philosophie et on constate aujourd'hui, doucement, mais sûrement, que l'influence d'outre-atlantique progresse insidieusement dans la sphère française. À quand, l'adoption d'un module "Extended Range" ou du "CMAS Accelerated Decompression Diver Training Programme" par la fédération délégataire ?

L'objectif de la mise en place de cette réforme du MF2 était initialement prévue pour le premier trimestre 2025, mais au vu du travail à accomplir et des éventuels freins (internes et externes) un décalage est probable. Le travail à réaliser concernera, les manuels de formation (MF2, MF1, BEPPA, etc.), la mise à jour du Code du Sport avec un acteur exigeant qu'est le ministère, mais aussi les partenaires sociaux de la plongée, la formation des cadres qui seront en charge des formations, organiser les nouvelles sessions de formation et d'examens, etc.

Comme disent nos amis britanniques "Wait an see". On fera le bilan de cette réforme en 2025, une fois que toutes les cartes auront été distribuées.
Aura-t-on un jour, un vrai module d'enseignement de la plongée profonde à l'air pour les candidats Français ? Telle est la question.

Pour aller plus loin sur le sujet je vous invite à lire les articles « Le cursus loisir nord-américain », « Pourquoi avons-nous un CDS », « Coup de gueule au sujet du CDS 2012 » sur le site recycleur.free.fr.