La plongée en France, terrain de chasse sous haute surveillance.
Par Webmaster Le 26 novembre 2020.

La plongée, l'activité de loisir la plus réglementée en France.
La plongée, l'activité de loisir la plus
réglementée en France.

La France, c’est plus de 3000 km de littoral de la Côte d’Azur à la Normandie en passant par la Bretagne. Cela représente une belle variété de spots de plongée du nord au sud, dont certains avec une réputation qui s’est exportée bien au-delà de nos frontières.

Cette image, qui pourrait sembler flatteuse, ne doit pas nous faire oublier que la France est le seul pays d’Europe (et du monde) à traiter la plongée de façon hostile. Elle est, en effet, l’activité de loisir la plus contrôlée, mais aussi la plus protégée dans l’hexagone. En l’espace de quelques décennies, l’état a développé un arsenal législatif sans précédent qui a plongé une simple activité de loisir en un véritable parcours du combattant pour tous les encadrants et gestionnaires de structures d’APS. Les simples pratiquants et surtout les débutants sont les principaux bénéficiaires (en bien ou en mal, c’est selon…) de cette mécanique surréaliste qui les place dans un processus d’infantilisation et de grande dépendance. Cependant, au fur et à mesure que le degré de responsabilité augmente la déferlante sécuritaire de l’état entre en action.

Le contrôle des fonctionnaires s’applique à tous les niveaux pour chaque activité et domaine qui touche à la plongée sous-marine. Cela va du Code Du Sport (CDS), le plus connu, au code du travail en passant par la règlementation sur la navigation, sur les appareils et équipements sous pression, les normes sur le matériel, etc. Pour couronner le tout, nul de s’étonnera de constater que les fonctionnaires des différents ministères concernés travaillent en aveugle sans se soucier de ce que fait le voisin et encore moins des incohérences et dommages collatéraux que cela peut générer.
La liste des textes qui régissent, de prés ou de loin, notre activité de loisir est longue comme une nuit d’hiver polaire et devient chaque jour un véritable casse-tête pour les gérants de structures et encadrants qu’ils soient pros ou bénévoles. D’ailleurs, cette notion de professionnel et bénévole est également une spécificité française qui entraîne de nombreuses complications sans parler du climat délétère qui a toujours été savamment entretenu entre ces 2 catégories d’usagers aux mêmes prérogatives (hors rémunération).

Comme on peut le constater, nos fonctionnaires ne sont jamais à court d’imagination quand il s’agit de dresser des barrières et imposer des règles arbitraires. Pour encadrer les activités réputées comme dangereuses les bureaucrates ont même inventé une catégorie particulière que sont les activités physiques et sportives se déroulant en environnement spécifique. Expression insolite pour expliquer qu’elles feront l’objet de mesures de sécurité particulières et au besoin seront règlementées pour mieux assurer la sécurité des pratiquants.

De tout ce qui a été évoqué précédemment nul besoin d’être devin pour comprendre qu’il ne doit pas y avoir beaucoup de fonctionnaires de ces administrations qui soient des adeptes assidus de notre activité. Comme le dit le proverbe « le conseiller n’est pas le payeur ».

De tout ce fatras de réglementations et normes, il y a cependant une que tous les plongeurs, quel que soit leur niveau, connaissent plus particulièrement et qui les affecte au quotidien.
Le « Code Du Sport » plongée est la parfaite illustration de toute l’inconscience, pour ne pas dire l’incompétence, de son ministère de rattachement ainsi que des répercussions nauséabondes sur le microcosme de la plongée française.

D’ailleurs, ce code réglementaire, comme son nom ne l’indique pas, n’intègrent pas que des sports. Effectivement, la plongée est une activité de plein air ou de pleine nature ou encore de loisir, mais en aucun cas un sport en tant que tel. Quoi qu’il en soit la plongée est considérée comme un « sport à (hauts) risque(s) » par les profanes et tout particulièrement les fonctionnaires du ministère. Cette dernière remarque est d’ailleurs certainement la cause de cette phobie irraisonnée de la plongée scaphandre.

Au sein de cet univers carcéral, on aurait pu espérer que tout le monde puisse trouver un espace de liberté suffisamment ouvert à toutes les catégories de pratiquants et de pratiques. Malheureusement, il est de notoriété publique qu’au pays d’Astérix les choses ne se déroule jamais simplement. Effectivement, la rédaction du code du sport plongée a surtout été l’occasion pour quelques organisations opportunistes, et néanmoins interlocutrices privilégiées du ministère, d’asseoir leur monopole au sein des territoires français. Comme déjà vu précédemment le ministère ne s’est également pas privé pour promulguer des règles à la hauteur des craintes que peuvent lui inspirer notre activité.

Au final, le CDS plongée est un magnifique imbroglio d’une vingtaine de pages qui enfle au fil des versions et de l’imagination débordante de ses géniteurs. À la lecture de cet amalgame, on découvre de nombreux articles ambigus, mal rédigés, partisans et qui pourraient plus facilement s’apparenter à une compilation maladroite d’un manuel de plongée qu’à une quelconque réglementation.

Certains se demanderont comment nos fonctionnaires en sont arrivés à rédiger une telle encyclopédie dédiée à la plongée alors que nos voisins étrangers se contentent tout simplement de leur code civil. Pas de spécifique plongée ou alors, à de rares exceptions, le strict nécessaire qui se limite à quelques lignes d’ordre général. Dans tous les cas, en dehors de nos frontières, tout le monde est accepté sans ségrégation aucune. Chaque agence pratique selon ses règles internes et son mode d’organisation. En bref, un modèle de plongée libre qui fait envie à bien des Français. Ou pour être plus précis, à ceux qui militent pour une plongée libre et ouverte à tous au contraire des profiteurs qui chercheront en priorité à tirer parti des faiblesses du système pour asseoir leurs ambitions.

Plus de deux siècles après la promulgation du code Napoléon la France détient le triste record du pays ayant le plus grand nombre d’articles règlementaires et législatifs. L’assemblée nationale, le conseil constitutionnel, le conseil d’état, tous se plaignent de l’inflation normative et des textes législatifs qui menace l’État de droit. La production est de plus en plus importante au fil des ans car elle est cumulative. Dans la tradition britannique, explique un fonctionnaire du Parlement, les textes se suivent et se remplacent. Chez nous, ils se complètent. Tout ceci n’est pas la faute de l’Europe comme certains aiment l’expliquer, mais bien un problème culturel intrinsèque à la France. Le droit est de moins en moins accessible au citoyen et il devient également de plus en plus incompréhensible pour les professionnels qui se perdent dans ce puzzle législatif.

Le grand paradoxe est que le ministère rédige des arrêtés pour des activités dont il n’a aucune connaissance. Pour l’aider, il demande à sa fédération délégataire (la FFESSM) de lui soumettre les futurs textes qui apparaîtront dans le Code Du Sport. Et oui, la FFESSM participe activement à la mise en place, avec le sourire, de son propre carcan administratif, mais aussi celui qui sera imposé à tous. Mais ne soyons pas naïf, car le principal bénéficiaire de cette escobarderie reste la fédération délégataire. Pour couronner le tout, elle s’offre l’immense plaisir de faire mentir la célèbre maxime « on ne peut être, à la fois, juge et partie ». Pour de plus amples explications, je vous invite à lire « Pourquoi avons-nous un CDS » sur le sire recycleur.free.fr.

Après quelques décennies d’indéfectible soumission intéressée le président de la FFESSM se voit enfin obligé en 2018, lors du projet de modification du CDS, de se plaindre (publiquement et pour la première fois dans l’histoire de la FFESSM) auprès de son ministère de cet excès de zèle. Dixit monsieur le président « Trop de réglementation tue l’activité. Il faut convaincre que l’excès des strates réglementaires n’est ni un gage de sur-sécurisation, ni un vecteur de développement économique, ni un émancipateur du citoyen en prise avec un tissu de vie de plus en plus complexe ».

Pour expliquer ce déferlement de haine de la part des fonctionnaires, les mauvaises langues n’hésiteront pas à dénoncer un indicateur de productivité permettant aux bureaucrates de justifier leur existence. Par contre n’allez surtout pas leur demander de vous présenter un quelconque indicateur pour contrôler l’efficacité des mesures promulguées !

Et pour cause le ministère des sports comme la FFESSM n’ont œuvré que dans leur intérêt personnel et à court terme sans se soucier de mettre en place un processus pour recenser et analyser les accidents/incidents de plongée de manière systématique et continue au plan national. Comme trop souvent, l’état n’a pas joué son rôle de bout en bout et ne s’est contenté que de la partie visible de l’iceberg, assurément la plus valorisante. Sur ce sujet comme sur bien d’autres l’œuvre des fonctionnaires du ministère laisse un goût amer de travail bâclé à l’image du déroulement de la saga du Code Du Sport (lire « Coup de gueule au sujet du CDS 2012 » ).

Une des rares organisations à diffuser un compte-rendu annuel avec analyse détaillée des accidents survenus à ses membres est le BSAC au Royaume-Uni. Chez nous, malgré une réglementation draconienne (comme il n'en existe nul part ailleurs), des contrôles permanents et des formations d’encadrant longues, couteuses et fastidieuses, nous n’avons aucune source de retours coordonnées et fiables pour enrichir nos connaissances et améliorer nos formations ainsi que la prévention de façon efficace et ciblée (1).

Personne ne sait dire ce qui est mis en place en matière de recueil et de traitement des données suite aux d'accidents de plongée ainsi qu'en matière de statistiques. Ce qui est sûr est qu'aucune base de données nationale n'existe pour comptabiliser et exploiter toutes les sources d'informations. En bref, c'est le néant le plus total.

Tous les auteurs qui s’expriment aujourd’hui dans des revues ou publications ponctuelles ne s’appuient que sur de vieilles études (trop rares) ou des statistiques incomplètes dédiées à une zone géographique de l’hexagone (plongeurs traités dans les hôpitaux et caissons hyperbares). Il en ressort fréquemment des chiffres extrapolés et beaucoup de suppositions pour conclure que tout va bien dans ce monde parfait et au passage un peu d’auto-congratulation permet quelquefois de se convaincre que le système français surpasse allégrement tous ses homologues.

 

(1) Plus de deux ans après la rédaction de cet article, je trouve, par hasard, en naviguant sur le site web fédéral une page qui parle de retours d'expérience en plongée en date du 9 février 2023. La FFESSM a créé une page sur son site web pour que les pratiquants puissent saisir leurs retours d'expérience en plongée suite à un accident ou un incident ainsi que tous faits remarquables qui pourraient participer à l'amélioration des conditions de pratique. Cette démarche semble être à l'initiative du ministère des Sports. On ne peut que se réjouir de cette avancée qui apportera enfin des informations concrètes du terrain. Comme le dit l'adage; mieux vaut tard que jamais. On peut tout de même s'interroger sur cette démarche, car lors des accidents de plongée, une fiche d'évacuation est obligatoirement rédigée et suit le plongeur jusqu'à l’hôpital. Un modèle de cette dernière se trouve d'ailleurs dans le Code Du Sport (Article A.322-78) et de nombreuses indications seraient fortes utiles (paramètres de la plongée, paliers, mélange utilisé, successive ou non, type d'ordinateur ou tables utilisées, etc.) aux retours d'expérience.
Cependant, personne n'est capable de dire ce qu'il advint de ces fiches d'évacuation. Elles disparaissent corps et biens dans les méandres de l'administration. Il est pourtant du rôle de l'état et plus spécialement du ministère chargé des sports d'assurer la coordination et le suivi des accidents de bout en bout. Mais là encore c'est le néant total et comme à l'accoutumé l'état ne joue pas son rôle. Avec cette démarche de REX une partie du travail est maintenant confié à la fédération délégataire.
Suite à un accident de plongée le responsable de la structure d'APS a obligation de faire une déclaration auprès de la jeunesse et des sport ainsi qu'à son assureur. Là aussi comment sont exploités ces dernières informations par le ministère (statistiques, retours d'expérience) mais de nouveau personne n'est capable de donner de réponses ?
Espérons seulement que les instances fédérales sauront mettre en place une véritable politique d'analyse systémique (avec restitution publique) qui saura tirer parti des expériences malheureuses de certains pour le plus grand profit de la communauté (au vu des commentaires fait précédemment, le doute est permis). Un point d'interrogation majeur reste cependant présent, car il est dans les habitudes des instances publics françaises de rester plutôt laconique en matière d'accidentologie ou encore de faire preuve de partialité dans les éventuelles conclusions des résultats d'enquêtes.

Pour aller plus loin sur le sujet je vous invite à lire les articles « Pourquoi avons-nous un CDS » et « Coup de gueule au sujet du CDS 2012 » sur le site recycleur.free.fr.