Piloter sa décompression avec les facteurs de gradient.
Par Webmaster le 28 avril 2024.

Hier réservés aux plongeurs techniques, les ordinateurs implémentant un algorithme Bühlmann avec GF (Facteurs de gradient) font doucement leur apparition (Shearwater, OSTC, Ratio Computers) sur les bateaux de plongée loisir. Principalement réputés pour leur convivialité et leur lisibilité grâce aux nouvelles générations d'écran à technologie LED couleur, ils se présentent dans un format montre ou boîtier et s'adaptent à tous les types de plongées que ce soit en circuit ouvert ou en recycleur. Ils se classent plutôt dans la catégorie des appareils moyen à haut de gamme avec des prix à l'avenant, mais pleinement concurrentiel avec les marques généralistes comme Aqualung, Scubapro ou encore Mares. Au moment de la rédaction de cet article, Mares s'est également lancé dans la production d'ordinateurs avec algorithme Bühlmann ZH-L16C + GF. Un modèle d'entrée de gamme, le PUCK 4, un autre plus qualitatif et technologique au format montre, le SIRIUS ou encore un haut de gamme air/Nitrox/Trimix, le GENIUS.

Plongeur encadré
Piloter vous avez dit ?

Dans un article précédent, nous avons abordé le fonctionnement des facteurs de gradient et répondu à quelques questions tout en essayant de rester le plus abordable possible. Suite à cette première introduction aux facteurs de gradient, nous souhaiterions faire découvrir à nos lecteurs quelques outils d'aide disponibles avec un algorithme Bühlmann ZH-L16C. Il semblerait cependant que peu de fabricants proposent ces options à l'affichage. Aujourd'hui, la marque Canadienne Shearwater est l'une des rares à disposer de ce type d'aide à la conduite de la désaturation.

L'objectif d'un ordinateur est de vous proposer une solution qui vous assurera une désaturation viable vers la surface. Néanmoins, il est possible d'aller plus loin avec des outils d'analyse et d'anticipation. Proposer un schéma de retour à l'air libre est une bonne chose, mais permettre au plongeur de contrôler et de moduler en temps réel le degré de désaturation présente une indéniable avancée.

Comme l'article précédent sur les GF, nous resterons dans le cadre de plongées effectuées à l'air ou au nitrox. C'est-à-dire des mélanges ou l'azote est le gaz directeur, celui que l'on cherche à éliminer et à contrôler.

Quelques utilisateurs curieux ont certainement lu leur manuel avec attention, mais sans avoir conscience de l'utilité de certaines fonctions mises à disposition par le fabricant Shearwater. Ces informations que nous allons vous faire découvrir portent les doux acronymes de GF99 et SurfGF.

Lors de la planification de votre plongée, vous avez sélectionné un couple de GF correspondant à la marge de sécurité que vous souhaitez appliquer au profil de votre plongée. Un GF 85/85, vous donnera une marge de sécurité (ou de conservatisme) de 15% par rapport au modèle ZHL-16C de base (équivalent GF100/100). La limite de 100% est appelée la m-value (Maximal-Value, valeur maximale) et correspond à un conservatisme de 0%. La m-value est la valeur maximale de sursaturation à ne pas dépasser. Physiologiquement, on pourrait représenter cette m-value comme la limite au-delà de laquelle l'écart de pression, par rapport à la pression ambiante, entraînerait un risque d'ADD (Accident De Décompression) ou encore un niveau de bulles trop important que l'on qualifierait de symptomatique. À l'inverse des petites bulles qui se produisent naturellement à la remontée et qui restent asymptomatiques. Au final, cela correspond à un niveau de dégazage pouvant varier entre 0%, la pression ambiante, et 100% qui correspond à la m-value à ne pas dépasser.

L'objectif de la remontée sera d'atteindre la vitesse optimale (10 mètres par minute pour beaucoup d'ordinateurs) jusqu'au premier palier pour maximiser le dégazage, mais sans atteindre un pic qui entraînerait une formation trop importante de bulles. Une excellente mise en application est la bouteille de coca-cola, que l'on ouvrira tout doucement pour laisser le gaz s'échapper en évitant un afflux de bulles intempestif suivi d'un débordement accidentel.

Pour contrôler le dégazage de l'azote dissous dans le corps ainsi que le niveau de conservatisme que nous souhaitons obtenir nous allons utiliser les paramètres GF99 et SurfGF. Nous savons également que les effets de la décompression joueront un rôle sur notre état physiologique à la sortie de l'eau. Une décompression agressive (avec un niveau de bulles important) sera plus fatigante pour l'organisme qu'une autre effectuée en douceur et d'autant plus si vous avez respiré de l'oxygène au palier. Cela signifie que la façon de gérer la décompression affectera notablement le niveau de fatigue post-plongée.

Il faut cependant bien garder à l'esprit que le niveau de bulles dans l'organisme comme la fatigue post-plongée pourront être très variables suivant les individus et chez un même individu d'un jour à l'autre.

Les paramètres, GF99 et SurGF seront des indicateurs importants qui nous montrerons, en temps réel, une image du flux d'azote évacué par notre organisme ainsi que les effets et conséquences.

Qu’est-ce que le GF99 ?

La valeur GF99 nous indiquera le niveau de dégazage, exprimé en pourcentage, entre la pression de l'azote dissous dans le corps et la pression ambiante du milieu (profondeur à laquelle le plongeur se trouve).

Cette valeur varie de 0 à plus de 100% :

  • 0% : l’azote n’entre ni ne sort de votre corps. Les pressions partielles d'azote internes et externes sont en équilibre.
  • Entre 1 et 49% : correspond à un niveau de bulles faible à moyen. Le niveau est considéré comme acceptable.
  • Entre 50 et 100% : les bulles sont plus nombreuses et plus grosses. Le dégazage est important. Une fatigue post-plongée est probable.
  • Au-delà de 100% : la m-value est dépassée. Le risque d'ADD est présent.

En plus des valeurs exprimées en pourcent, l'indicateur GF99 vous affichera, principalement en début de plongée, l'expression "ON GAS" qui signifie que votre organisme est en cours de saturation. Suivra ensuite des valeurs pouvant aller de 0 à plus de 100% pendant la remontée vers la surface.

Durant l'ascension, l'objectif du plongeur sera de garder un niveau de dégazage optimal. C'est-à-dire suffisant pour faire dégazer efficacement l'azote, mais pas trop pour éviter un excès de bulles.

Piloter sa déco avec le GF.
Piloter sa déco avec les GF.

Pour une remontée douce et pour limiter la fatigue post-plongée, le plongeur restera dans la moitié basse (entre 0 et 50%) de l'échelle. Pour une sortie plus rapide, le plongeur optera alors pour une désaturation plus agressive entre 50 et 100%, mais toujours en faisant attention de rester sous la valeur maximale représentée par la m-value (100%).

Le GF99 peut également être utilisé comme un indicateur de vitesse de remontée. On pourra mettre en évidence les écarts dans les variations de pression entre le fond et proche de la surface. Dans les derniers mètres le GF99 montera plus rapidement qu'en profondeur. Cela permet de prendre conscience que la vitesse de remontée dans les derniers mètres doit se faire plus lentement pour garder une valeur de GF99 sous les 50%.

En synthèse et lors d'une plongée, l'affichage du GF99 vous indiquera :

  • de quelle façon votre organisme absorbe ou libère de l'azote,
  • avec quelle efficacité vous dégazez,
  • une estimation du niveau probable de fatigue post-plongée.

Qu’est-ce que le SurfGF (Surface GF) ?

L'affichage du facteur de gradient de surface (SurfGF) vous permettra de savoir quelle serait la marge de sécurité par rapport à la m-value si vous faisiez immédiatement surface. Cette valeur sera un bon élément de comparaison avec le GF haut que vous avez configuré dans votre ordinateur.

Avec le gradient de surface, le plongeur pourra choisir, en fonction des conditions et des impératifs du moment, de moduler sa marge de sécurité en plus ou en moins par rapport au GF initial (GF haut) programmé dans l'ordinateur.

L'affichage du SurGF vous permettra :

  • de vérifier, en temps réel, le niveau de conservatisme que vous aurez en fin de plongée,
  • de contrôler la durée de votre palier pour atteindre le niveau de conservatisme requis (en plus ou en moins),
  • d'estimer le niveau de risque si vous faites immédiatement surface.

Quels liens entre les indicateurs GF99 et SurfGF ?

Comme vu précédemment le GF99 vous indique le niveau de dégazage de l'azote en temps réel. Plus le dégazage sera important et plus le SurfGF diminuera rapidement et inversement. Pour le SurfGF, plus la valeur sera faible et meilleur sera le niveau de conservatisme.

Ces deux indicateurs vont de pair pour maximiser la désaturation (via le GF99) tout en contrôlant le niveau de bulles et donc la fatigue post-plongée, mais aussi en ayant un aperçu ainsi qu'un contrôle du niveau de conservatisme que vous obtiendrez en fin de plongée (SurfGF).




En synthèse, les GF99 et SurfGF sont une aide à la décision, en temps réel, que peu d'ordinateurs du marché proposent actuellement. C'est aussi et surtout un moyen unique, simple et efficace, de contrôler sa décompression in situ.

Pour en tirer le meilleur parti, il sera utile de les visualiser en permanence. Pour cela, les ordinateurs Shearwater vous offrent la possibilité de personnaliser une ligne d'affichage afin d'avoir les indicateurs les plus utiles directement sur l'écran principal. Pour plus de détails, veuillez vous reporter au manuel de votre ordinateur.

L'affichage du NDL (No decompression limit = temps restant avant d'avoir des paliers obligatoires) peut également être paramétré pour afficher une autre donnée une fois l'ordinateur passé en mode paliers. En effet, le NDL correspond au temps restant avant paliers. Ce qui veut dire que lors de la réalisation des paliers obligatoires, le NDL est figée sur la valeur 0 et n'a donc plus d'intérêt dans l'immédiat. L'ordinateur vous permet alors d'afficher une autre information pendant cette période. Vous avez le choix entre plusieurs données à l'affichage, dont le GF99 et le SurfGF.
Sur l'image d'un Shearwater Petrel 2 plus haut, le NDL se trouve en bas à droite et juste à gauche du TTS (Total Time to Surface = DTR en Français) mais affiche, dans notre cas, l'information @+5 qui correspond à la DTR (Durée Totale de la Remontée ou TTS en anglais) si vous restez 5 minutes de plus à cette profondeur.

Dernière remarque : toutes les informations fournies dans cet article sont basées sur la théorie des gradients et restent donc purement théoriques. Comme n'importe quel modèle de décompression, il existe de nombreuses zones d'ombre, cependant les démarches énoncées que nous vous avons présenté vont toutes dans le sens d'une plus grande sécurité par rapport à un profil issu d'un modèle Bühlmann ZH-L16C de base. Au final, suivre ces méthodes vous apportera un degré de conservatisme supplémentaire.

Pour aller plus loin sur le sujet je vous invite à lire les articles (si pas déjà fait) « La plongée est libre en France ? et La plongée en France, terrain de chasse sous haute surveillance » sur ce site web. Sans oublier « Pourquoi avons-nous un CDS» et « Coup de gueule au sujet du CDS 2012 » sur le site recycleur.free.fr.