Bühlmann et les Facteurs de Gradient dans tout leurs états.
Par Webmaster le 15 février 2024.

Depuis quelques années l'offre en matière d'ordinateurs de plongée loisir s'est considérablement étoffé avec l'arrivé des afficheurs couleurs, des montres ordinateurs ou encore des modèles directement issus du monde TEC. Aujourd'hui, le marché grand public n'est plus réservé aux marques généralistes (Aqualung, Mares, Scubapro, etc.) car depuis quelques années de nouveaux acteurs ont fait leur apparition comme Garmin, plus connus dans le monde du GPS automobile ou celui de la randonnée ou encore Shearwater qui était principalement présent dans le microcosme des plongeurs techniques. Avec l'avènement de ces matériels, souvent haut de gamme, le nombre de fonctions intégrées se sont multipliées et pour beaucoup de propriétaires ce fut alors l'occasion de s'intéresser aux entrailles des machines et plus particulièrement à l'algorithme implémenté.

Auparavant, les plongeurs loisirs se contentaient sans trop d'interrogation du fonctionnement standard de l'appareil, mais depuis quelques années les algorithmes à base de soft Bühlmann se sont multipliés avec l'apparition de paramètres de réglages individualisés. Les modes simplifiés (L0, L1, L2 ou P0, P1, P2, etc.) ou de durcissement du modèle de décompression que l'on retrouvait sur tous les ordinateurs loisir sont toujours présents, mais aujourd'hui l'utilisateur accède à une nouvelle dimension du paramétrage grâce aux facteurs de gradient. Si certains utilisateurs semblent gagner sur la personnalisation de leur décompression d'autres se retrouvent perturbés devant cette multitude de réglages. Pour beaucoup, la question est donc de savoir comment trouver le meilleur réglage en fonction du profil de plongée envisagé ?

GF vous avez dit ?
Les facteurs de gradient, quésaco ?

L'objectif de cet article n'a surtout pas pour vocation de se lancer dans des explications longues et complexes du fonctionnement des facteurs de gradient, car il existe pléthore de documentations sur le web et chaque utilisateur pourra y trouver son bonheur sans difficulté. L'idée est plutôt de faire une synthèse des éléments consensuels tirés des études et réflexions sur l'utilisation des facteurs de gradients pour aider l'utilisateur à les comprendre et choisir des réglages cohérents avec son profil de plongée. Il faut bien comprendre que consensus ne veut pas dire vérité et que ce qui fonctionne pour une personne n'est en rien une garantie pour son voisin. De plus, nous resterons dans le cadre de la plongée loisir à l'air et au nitrox qui ont tous les deux comme gaz directeur (gaz qui dirige les calculs de saturation et désaturation des tissus) l'azote.


A quoi servent les facteurs de gradient (GF) ?

Les GF ou Gradient Factors en anglais sont un moyen de durcir (plus de conservatisme) le modèle mathématique de décompression implémenté dans l'ordinateur de plongée. Dans les ordinateurs grand public le durcissement se présente plus souvent sous une forme simplifiée avec quelques paramètres à ajuster de type L0, L1, L2 ou P0, P1, P2 ou encore d'autres suivant les fabricants. Ces paramètres (L0, L1, etc.) correspondent à des valeurs par défaut déterminées par le fabricant de l'ordinateur. Pour les plongeurs qui sont familiers avec la notion de compartiment, les GF permettent de baisser artificiellement le coefficient de sursaturation admissible dans ces derniers lors de la remontée. Les GF offrent une plus grande latitude dans les réglages, mais s'adressent de préférence à des plongeurs confirmés et/ou curieux qui n'hésiteront pas à aller chercher l'information pour en comprendre toutes les subtilités.

Que signifie durcissement du modèle ?

Le durcissement du modèle (via des paramètres Lx, Px, Tx ou autres comme les GF) a pour objectif de sécuriser sa décompression en augmentant le conservatisme. Ou dit autrement l'objectif est de réduire le risque d'accident de décompression. Cela se traduit par une augmentation du temps de paliers par rapport au mode standard qui est généralement (sauf exception) le mode de fonctionnement le moins sécurisé. Sur les ordinateurs à GF, il est cependant possible de trouver des paramètres déjà sécurisés par défaut. Par exemple, sur l'ordinateur Peregrine de la marque Shearwater le réglage par défaut des GF est fixé sur un couple de valeurs 40/85 plutôt que 100/100 qui est le moins sécurisé. Pour la plongée loisir à l'air ce choix, fixé par défaut, n'est cependant pas le plus adapté, car il risque de déclencher des premiers paliers trop profonds.

N’existe-t-il pas un autre moyen pour sécuriser sa décompression ?

Il existe bien d'autres façons de sécuriser sa décompression, mais les solutions pour augmenter artificiellement le temps des paliers comme on peut le faire avec un ordinateur sont plus limités.

Pour obtenir un résultat similaire au durcissement d'un ordinateur, il est possible d' :

  • utiliser du nitrox avec un ordinateur air,
  • utiliser des tables et calculer sa décompression avec une profondeur ou un temps de plongée supérieur à la réalité.

Hormis ces quelques méthodes, il est également possible de limiter les risques d'accident en :

  • limitant la profondeur ou la durée de la plongée,
  • se limiter à une plongée sans palier obligatoire et toujours effectuer un palier de sécurité (3mn à 5 mètres par exemple)
  • ne jamais s'approcher de la limite des paliers indiqués par son ordinateur (et faire un palier de sécurité),
  • faire ses paliers à l'O2 ou au Nx (avec ordi air),
  • se limiter à une plongée par jour,
  • etc.

Peut-on expliquer succinctement comment fonctionnent les GF ?

Les GF fonctionnent par couple de valeurs. Le couple est composé respectivement d'un GF bas et d'un GF haut (ex : GF 70/85 : GF bas = 70, GF haut = 85). Le GF haut interviendra sur les paliers proches de la surface. Et inversement le GF bas sur les premiers paliers plus en profondeur. L'algorithme Bühlmann standard (sans GF) correspond à un couple de GF 100/100.

Dans les ordinateurs, l'algorithme Bühlmann utilisé est généralement le ZH-L16C (16 tissus). Il existe 3 versions (également appelé jeux de paramètres) de cet algo, le ZH-L16A, le ZH-L16B et le ZH-L16C. Le ZH-L16B est utilisé pour les tables de plongée et le C, légèrement plus sécurisant, pour les ordinateurs. Le A est la version de base rarement utilisé.

La valeur des GF varie de 100% à 0% par incrément négatif. La valeur 100% correspond à l'algorithme Bühlmann de base. Plus la valeur s'écarte du 100% (en diminuant) et plus la décompression sera longue (plus de paliers). Cela signifie que l'on augmente la marge de sécurité par rapport au modèle de base et en corollaire que l'on sécurise d'autant sa décompression.

L'algorithme Bühlmann ZH-L16 a été conçu pour la plongée à l'air et au trimix. Dans le cadre de la plongée à l'air et au nitrox c'est surtout le GF haut qui nous intéressera et sur lequel on va jouer. Le GF bas présente moins d'intérêt, car il influe sur les paliers profonds et plusieurs études nous ont prouvé que pour la plongée à l'air, les paliers profonds sont déconseillés et entrainent plus de formations de bulles à la sortie.

J'ai lu que les réglages L0, L1 ou P0, P1 des ordinateurs correspondent aux GF90/90 et 85/85 du modèle Bühlmann GF ?

Beaucoup d'ordinateurs intègrent l'algorithme Bühlmann de base (sans les GF) mais avec une surcouche qui porte différents noms suivant les fabricants (RGBM, ADT, MB, etc.). Cette surcouche est souvent dédiée à la gestion des microbulles et noyaux gazeux. L'influence de ses surcouches modifie notablement l'algorithme de base et particulièrement dans le cas des plongées successives. Il devient alors difficile de faire un parallèle avec un pur modèle Bühlmann avec GF.

En corollaire, dire qu'un réglage L0, P0, R0 correspond à un GF90/90 n'est pas vraiment cohérent. Un simple test sur deux ordinateurs (Bühlmann GF et un autre avec surcouche) nous montre immédiatement des écarts conséquents même sur une plongée simple qui rendent cette assertion non pertinente. D'ailleurs, aucun fabricant ne fait référence dans sa documentation à une quelconque correspondance avec un équivalent GF. Sauf, bien sûr pour les ordinateurs pilotés par un algorithme Bühlmann GF. Dans les autres cas de figure, les fabricants gardent le plus grand secret sur les logiciels implémentés dans leurs ordinateurs. La raison en est simple. L'algorithme Bühlmann est public et donc connu et utilisable par tous sans royalties à reverser à qui que ce soit. Les softs RGBM, VPM et toute autre surcouche aux abréviations exotiques sont des développements privés et aucune diffusion publique n'est réalisée hormis les documentations commerciales pour leur promotion.

Lors de ma première acquisition d'un ordinateur avec algorithme Bühlmann GF (année 2010) mon premier réflexe fut de le comparer à l'actuel du moment, un SUUNTO VYTEC (algo RGBM). Sur des plongées simples et avec un profil propre (descente à la plus grande profondeur en premier, remontée régulière, pas de redescente, pas de remontée rapide, etc.) le réglage des GF pour avoir une décompression à peu près équivalente correspondait à un couple GF85/85. Couple de GF, par défaut, que j'ai d'ailleurs toujours gardé pour mes plongées simples. Cependant un profil inversé ou une remontée rapide même de courte durée et le RGBM entrait en action. Ce qui avait pour conséquence d'ajouter immédiatement quelques minutes supplémentaires de paliers.

Dans une même palanquée et avec des ordinateurs (non Bühlmann avec GF) de marques différentes (voire de même marque et modèles différents) il est quasi systématique d'avoir des DTR (Durée Totale de la Remontée) présentant de substantiels écarts que ce soit en plus ou en moins sur une plongée simple et avec des profils effectués dans les règles de l'art.

En conclusion, affirmer qu'un paramètre L0 correspond à un GF90/90, un L1 à un GF85/85 et suivant est faux et ne présente aucun intérêt, car chaque logiciel (non Bühlmann GF) a un comportement spécifique qui s'empresse de faire mentir cette assertion.

Quel est le bon réglage pour les GF ?

Le corps humain est une machine complexe dont on est encore (très) loin d'en connaître le fonctionnement complet. De plus chaque individu est unique et fonctionne ou réagit différemment de son voisin. Pour deux individus qui semblent, en apparence, très proches le fonctionnement et les réactions de l'organisme peuvent présenter de fortes disparités. Les physiologistes et mathématiciens ont longtemps cherché à créer le modèle de décompression idéal capable de s'adapter à tout un chacun. Les modèles ont été développés par tâtonnement puis par itérations successives et retour d'expérience et ainsi de suite pour s'adapter à une large tranche de la population. Au fil du temps (et des accidents) de nouveaux modèles ont vu le jour là ou d'autres se sont perfectionnés.

Ce que l'on peut affirmer sans se tromper est qu'aucun fabricant ne voudrait voir son nom dans la rubrique nécrologique d'un journal. Avec l'essor du sport pour tous et la généralisation des ordinateurs de plongée, les modèles mathématiques se sont donc naturellement durcis au fil du temps. Quel que soit le fabricant, les conseils en matière de réglages restent extrêmement vagues avec des recommandations du genre : si vous vous sentez moins en forme sélectionnez le réglage de durcissement L1 (L0 étant la valeur par défaut) ou si vous souhaitez plus de sécurisation alors réglez sur telle valeur. D'autres font référence aux facteurs de risque (âge, surpoids, etc.) pour orienter le choix des réglages qui restent, dans tous les cas, purement arbitraires.

Au final, le choix se fera sous l'entière responsabilité de l'utilisateur. De plus, la majorité des plongeurs ne lisent pas ou peu le manuel utilisateur et se contentent souvent des réglages par défaut qu'ils ne toucheront jamais. C'est la raison pour laquelle les fabricants implémentent des modèles de base capables de répondre en toute sécurité (en lien avec les connaissances du moment) à un maximum de profils de plongée.

Dans le cas des ordinateurs qui implémentent un vrai modèle Bühlmann GF (sans surcouche) un consensus semble se dessiner pour un réglage des facteurs de gradient sur un couple de valeurs standards de 90/90 ou 85/85. Il est d'ailleurs recommandé de toujours opter pour des facteurs de gradient dit "jumeaux" (GF bas et haut identiques). Opter pour des GF jumeaux revient à augmenter fictivement le temps de plongée ou la profondeur comme on a pu l'apprendre avec les tables (MN90, PADI ou autres) pour appliquer une marge de sécurité.

Existe-t-il une ou des règles pour fixer les GF ?

Malheureusement non, pas de règles officielles établies. Tout au plus des recommandations. Comme déjà vu précédemment vous remarquerez que dans les notices de vos ordinateurs aucun fabricant ne donne de recette miracle pour régler les paramètres de durcissement. La règle est de rester vague et de laisser la décision à l'utilisateur. De même qu'aucune organisation de plongée qu’elle soit française ou internationale ne diffuse un mode d'emploi pour régler ses GF selon le profil envisagé. Personne ne souhaite prendre le risque d'être accusé d'avoir causé un accident de plongée.

Cependant, avec le temps, quelques consensus semblent avoir émergés pour les plongées usuelles effectuées à l'air ou au nitrox. Usuelles signifiant pour les plongées loisirs à l'air comme il s'en fait des milliers tous les jours dans les clubs de bord de mer. Cela concerne des profils qui dépassent rarement l'heure d'immersion et pour des profondeurs raisonnables (40 à 60 max).

Plusieurs études ont démontré que pour les plongées à l'air la pratique des paliers profonds généraient plus de bulles que lors de la réalisation des paliers classiques à faible profondeur et en corollaire sont donc déconseillés. Il est d'ailleurs recommandé de désactiver l'option "paliers profonds" que l'on trouve sur certains ordinateurs.

De ces études, on peut en conclure que l'utilisation des GF dissymétriques (ex : GF40/85), pour les plongées à l'air (ou nitrox), est déconseillée, car cela conduit souvent à effectuer des paliers trop profonds et donc augmenter le risque d'ADD. Le GF bas s'adresse plus spécialement à la plongée trimix. Pour la plongée à l'air (ou Nitrox) le GF bas devra donc rester à un niveau proche du 100%. Cependant sur beaucoup d'ordinateur Bühlmann GF une règle impose que la valeur du GF bas ne puisse pas être supérieure à celle du GF haut. Cette contrainte signifie que le choix des GF devra alors se faire par couple avec des GF bas et haut identiques. On parle alors de GF jumeaux (GF90/90, GF85/85). Une étude de la marine Belge préconise d'ailleurs dans sa conclusion l'utilisation des GF symétriques (jumeaux).

Le choix des GF se fera de façon théorique et purement arbitraire. L'expérience du plongeur pourra également aider à réaliser des réglages cohérents avec le profil de plongée envisagé. Abaisser les GF va dans le sens de la sécurité, mais cette logique ne doit pas conduire à des choix aberrants. Par exemple pour une plongée à 30 mètres de 15 ou 20 minutes (temps fond) le choix d'un couple de GF de type 60/60 ou 50/50 nous amènera à des temps de paliers excessifs et avec des profondeurs qui le sont tout autant. Pour ce type de plongée (et pour beaucoup d'autres) un couple 90/90 voire 85/85 sera suffisant pour tout plongeur ne cumulant pas plusieurs facteurs de risques. Pour ces derniers, il n'existe pas de règle spécifique si ce n'est de limiter sa profondeur et/ou son temps de plongée, utiliser du nitrox, faire ses paliers à l'oxy, etc.

Un autre consensus semble montrer que la limite inférieure du choix des GF se situerait aux couples 75/75 ou 70/70. Des GF inférieurs entraîneraient artificiellement des durées de paliers excessifs et de même pour leur profondeur.

J'ai lu que certains ordinateurs implémentant un algorithme Bühlmann avec GF ne prenaient pas en compte les plongées successives

J'ai, en effet, vu la vidéo d'un intervenant affirmant cela et lu ses publications sur le sujet. L'étude réalisée essayent de démontrer par comparaisons avec différents ordinateurs du commerce que certains modèles ne gèrent pas les plongées successives.
Si la méthodologie des tests semble correcte, l'objectif n'est pas clairement énoncé et en corollaire nous avons une conclusion pour le moins confuse et inadéquate.

Les ordinateurs incriminés implémentent fidèlement un modèle Bühlmann avec GF qui par définition sont donc réglables de façon entièrement manuelle au contraire d'autres ordinateurs avec surcouche (sur base Bühlmann ou autre) qui amènent un durcissement supplémentaire (surpénalisation) pour certains profils de plongée et particulièrement les successives. Cette surpénalisation est surtout active pour des intervalles de surface allant jusqu'à 2h30 à 3h00. Passé ce délai et pour beaucoup d'ordinateurs, les effets de la surcouche deviennent modérés avant de s'estompter.

Nativement, il n'est pas faux de dire qu'un ordi Bühlmann avec GF ne gère pas correctement les plongées successives. Cela ne veut aucunement dire qu'il ne sait pas le faire. Correctement utilisé, un algorithme Bühlmann avec GF pourra compenser ces lacunes. C'est là toute sa force et ce que recherche les utilisateurs avisés. Nous détaillerons ce point plus loin.

Les tests ont été réalisés avec un intervalle de surface d'une heure et trente minutes encadré de deux plongées de 30 mètres, 30 minutes. Ce profil de plongée (assez courant dans le cadre d'études en matière de décompression) étant certainement le plus représentatif pour la démonstration. La référence de l'étude étant une décompression pilotée par un algorithme DCIEM, validé scientifiquement pour un usage en plongée commerciale.

La question est de savoir comment comprendre cette étude ? Est-ce que l'objectif consiste à démontrer que les ordinateurs les moins pénalisants sont de facto dangereux ou inversement que les plus sécurisants proposent du palier à outrance ?

L'algorithme Bühlmann de base comme celui avec GF est le plus utilisé dans le monde et en corollaire qui a le plus grand retour d'expérience. Le modèle Bühlmann GF est utilisé pour des plongées loisirs à l'air, mais aussi et surtout pour la plongée technique au trimix à grande profondeur. Les plongeurs loisirs sont nombreux à avoir utilisé leur ordinateur Bühlmann GF dans de multiples conditions et profils qui incluent des plongées successives comme il s'en fait régulièrement en croisière avec des intervalles de surface variables (ou des "two tank dives" avec une heure d'intervalle) sans incident ou pas plus pas moins qu'avec un modèle concurrent. Pourquoi des plongeurs confirmés, correctement formés et conscient des risques utiliseraient des ordinateurs avec un algorithme dangereux ?

Sur les accidents répertoriés et documentés, surtout dans le cas de ceux qualifiés d'immérités, qui représentent une part non négligeable (statistiques contradictoires à ce sujet), quelle(s) étai(en)t la ou les véritables causes, l'ordinateur et/ou les facteurs favorisants (âge, fatigue, déshydratation, etc.) constatés. Aujourd'hui nous n'avons aucune réponse à cette question.

Nous savons depuis longtemps que le risque d'ADD augmente dans le cas des plongées successives (azote résiduel + microbulles) et particulièrement avec un intervalle de surface inférieur à quatre heures. De nombreuses publications (The effectiveness of Dive Computer in Repetitive Diving - Hamilton) nous décrivent en détail les phénomènes et conséquences inhérentes. Quel que soit le moyen de décompression utilisé, on nous a toujours enseigné qu'il était (fortement) recommandé d'éviter les profils à risque (successives rapprochées, yoyos, remontées rapides, etc.) et autant que possible limiter les facteurs favorisants (fatigue, déshydratation, etc.) en dehors de ceux qui restent inéluctables (ex : âge). En respectant quelques recommandations de base (profil de plongée, facteurs favorisants directement applicables) n'importe quel ordinateur devrait faire sortir son propriétaire de l'eau en bonne santé.

Les profils utilisés dans les études sont mis en place pour maximiser le ou les effets recherchés afin de mettre en évidence une imperfection ou un manque d'un système. Les cas d'usage de ces analyses correspondent néanmoins rarement à la réalité de l'activité.

Dans nos plongées usuelles, soit l'intervalle de surface est plus conséquent (généralement plus de 4h00) que le profil de test de l'étude soit la profondeur est moindre (plongée multi-niveaux ou "in shallow water") comme c'est le cas dans les two tanks dives que l'on pourra faire en Floride ou dans une autre zone tropicale.

Au-delà de toutes ces considérations, cela veut dire que même si on était en mesure de présenter des statistiques représentatives et fiables (ce qui est loin d'être le cas) mettant en corrélation ordinateur et accident de plongée, il serait difficile de mettre en évidence les lacunes ou malfaçons d'un modèle en particulier. Sans compter le nombre de paramètres extérieurs qui viennent peser dans la balance.

Les plongeurs familiers des algorithmes Bühlmann remarqueront que cette étude ne prend en considération qu'un seul et même réglage de GF pour la première et seconde plongée et sur un profil à risque (intervalle de surface court, moins de 4h00). Ce point est particulièrement important, car ce qui caractérise un algorithme Bühlmann avec GF est justement son mode de fonctionnement manuel qui présente une plus grande latitude de réglages (une multitude de réglages VS quatre ou cinq) que les modèles avec surcouche. En revanche, c'est à l'utilisateur d'adapter les réglages à ses profils de plongée. La bonne pratique aurait été de durcir les GF (ex : 75/75) pour cette seconde plongée clairement idéntifiée dans n'importe quel manuel de plongeur comme à risque (moyen à élevé) ou alors d'attendre au minimum 4h00 pour replonger avec le même réglage.

Pour entrer un peu dans la technique, il y a deux paramètres à prendre en compte lors de la désaturation du corps. L'azote résiduel comme on peut l'apprendre avec les tables de plongée (MN90 pour la France, voir plongées successives et notion de majoration) et les bulles (mise en évidence avec la bouteille de Coca-Cola). Un algorithme Bühlmann avec GF ne gère que le premier paramètre (azote résiduel). Mais vient particulièrement s'ajouter le second paramètre (les bulles) dans le cas des plongées successives. Pour compenser cette lacune, les facteurs de gradient permettent une grande latitude de réglages dans le durcissement de l'algorithme. Les tables de plongée utilisent le même artifice depuis bien longtemps avec succès. Au final, un algorithme Bühlmann avec GF sait gérer ce type de plongée, mais c'est au plongeur de prendre cette problématique en charge (réglage manuel).

Pour tout appareil ou système, des règles de bonne pratique sont généralement développées soit par des scientifiques soit par les utilisateurs au fil du temps et de l'expérience. Pour un algorithme Bühlmann avec GF, l'objectif consiste à ajuster les facteurs de gradient en fonction de l'engagement (niveau de risque d'ADD) de la plongée. Ce qui explique aussi pourquoi ce type d'algorithme est plutôt conseillé pour des plongeurs confirmés.

Les remarques précédentes devraient donc nous inciter à lire correctement le manuel de l'ordinateur et particulièrement si ce dernier implémente un algorithme Bühlmann avec GF. Il ne faudra également pas oublier de se documenter sur les bonnes pratiques associées au modèle de décompression embarqué. S'il y avait un point particulier à signaler dans cette étude, c'est justement l'absence d'information sur l'utilisation des GF. Certains demanderont assurément aux fabricants de combler cette lacune. Néanmoins, une analogie avec le monde automobile nous montrera qu'un constructeur fournit un manuel technique du fonctionnement de l'automobile, mais il n'est pas de sa responsabilité de nous apprendre à la conduire. Cette tâche est du ressort des écoles de conduite et donc pour nous autres plongeurs des écoles de plongée.
Avec les ordinateurs avec surcouche la question prendra une autre dimension, car dans ce cas une école lambda n'a aucune connaissance de l'algorithme implémenté. L'ordinateur est une boîte noire et seul le fabricant connaît l'algorithme qu'il a intégré (à l'inverse, un algorithme Bühlmann est public). Sa responsabilité est donc entière pour cette catégorie d'ordinateur.

L'intérêt principal des modèles avec surcouche est de prendre en compte les profils considérés comme à risque comme les remontées rapides, les successives, les profils inversés, etc. Cette gestion est imposée et non désactivable par l'utilisateur. Ce qui veut dire que le logiciel interne prendra en compte ces profils et appliquera une pénalisation au modèle de décompression de base tel que défini par le concepteur.
La question est de savoir jusqu'à quel degré doit-on/peut-on appliquer cette surpénalisation ?

Sans étude sérieuse effectuée avec un détecteur (de bulles à effet) Doppler et pour un échantillon représentatif de la population de plongeurs, il parait difficile de répondre à cette question. Ce qui explique peut-être le côté très évasif des conseils pour la sélection des paramètres de durcissement de la part des fabricants d'ordinateurs. Hormis quelques explications dans les brochures qui nous donnent les grandes lignes directrices, on ne connaît rien de la stratégie de fonctionnement de ces surcouches car les développements sont des secrets industriels (propriété intellectuelle, brevets). On constate depuis longtemps dans ce domaine que les utilisateurs font office de bêta-testeurs.

Au final, cette étude reproche aux ordinateurs avec algorithme Bühlmann GF de ne pas implémenter de surcouche pour une gestion automatique de certains profils. Par définition, les plongeurs qui achètent des ordinateurs avec algorithme Bühlmann GF ne souhaitent pas avoir de surcouches sur lesquelles ils n'ont aucune influence. Aujourd'hui, aucune étude scientifique n'a démontré la dangerosité d'une décompression avec un algorithme Bühlmann GF correctement utilisé. Est-ce l'algorithme qui est dangereux ou sa mauvaise utilisation ?
De même que rares sont les fabricants qui s'appuient sur des études pour justifier l'intérêt et/ou les bienfaits des surcouches qu'ils ont implémentées. Difficile dans ce contexte d'affirmer qu'un modèle est meilleur qu'un autre ou plus dangereux que son voisin.

En synthèse, si l'idée de comparer différents ordinateurs est intéressante, on peut s'étonner des conclusions injustifiées et quelque peu arbitraires de l'auteur de cette étude. Pour éviter de se discréditer quelques recommandations sur le choix des facteurs de gradient dans le cadre des plongées successives auraient été plus habile. Un rappel des bonnes pratiques pour le choix des GF aurait également été apprécié. Et accessoirement, des rappels sur les risques associés aux intervalles de surface courts et en règle générale ceux pour les profils qui ont un rôle d'amplificateur dans la formation des bulles. Il aurait également été intéressant de pousser l'analyse plus loin sur l'intervalle de surface pour montrer à quel moment les deux catégories d'ordinateurs retrouvaient des valeurs plus en adéquation.