Des membres SCA au sein de la FFESSM ?
Par Webmaster le 12 mars 2021.

La question de la présence de structures professionnelles au sein de la FFESSM (association loi 1901) est tout à fait louable, d’autant que ces dernières ont un droit de vote aux assemblées de la fédération. Mais avant d’aller plus loin voyons ce qu’est une SCA. Pour cela rien de plus simple, il suffit de se rendre sur le site fédéral « Le coin des pros » :
C’est l’abrégé de Structure Commerciale Agréée, qui désigne un statut de membre de la FFESSM au même titre que celui des clubs associatifs affiliés. Réservé aux centres professionnels qui en formulent le souhait, ce statut s’acquiert par la délivrance d’un agrément fédéral renouvelable annuellement.

Le sujet peut sembler étonnant, car la FFESSM est une fédération de clubs associatifs. Alors que viennent faire des structures commerciales qui par définition sont l’exact contraire du bénévolat ?

Dans le monde des entreprises, il existe de nombreuses formes de partenariat, de collaboration voire des prises de parts pour celles cotées en bourse. Le but n’est en rien philanthropique mais bien financier. Entre une entreprise et une association, le partenariat aura plutôt la forme d’une coopération ou des échanges de bons procédés gagnant-gagnant. Dans le sujet qui nous intéresse ici, la méthode est beaucoup plus intrusive, car les CSA prennent part à la vie interne de l’association avec des droits similaires à ceux des membres adhérents bénévoles. On mélange allègrement des intérêts commerciaux avec ceux d’une gestion désintéressée.

Comme bien souvent, les choses ne semblent pas si simple (encore moins en France et particulièrement dans le microcosme de la plongée), mais pour mieux comprendre cette incursion au sein de la FFESSM un petit retour historique s’impose.

Revenons aux années 60 ou la FFESSM était toute-puissante et la seule organisation de plongée à délivrer des diplômes de plongeur et moniteur. C’est en 1963 qu’est créé le premier brevet d’état de moniteur de plongée (B.E.M.P.) qui s’inspirait, en tout points, du brevet national de moniteur (fédéral) de plongée créé en 1957. Avec l’arrivée de cette qualification, la FFESSM perdait une toute petite partie de son monopole, car malgré cela, l’enseignement restait purement fédéral et uniquement avec la délivrance des brevets de plongeur de la maison mère. Il n’existait alors, en France, qu’un seul et unique cursus de formation, celui de la FFESSM.

Jusqu’en 1986, les moniteurs fédéraux et brevets d’État ne délivraient donc que des certifications fédérales. De plus, pour se présenter à la formation d’état, le brevet de moniteur fédéral était exigé.
Après de longues batailles, le ministère des Sports accordait enfin, cette même année, à la FSGT, l’ANMP et le SNMP, les mêmes droits que ceux de la FFESSM pour la délivrance des brevets de plongeurs.
En 1987, le SNMP (premier syndicat professionnel des moniteurs de plongée français créé en 1963) proposera alors son propre cursus de plongeur, d’inspiration PADI pour l’organisation et FSGT pour le contenu. L’ANMP ne proposera le sien qu’en 1991 et en tout point identique à celui de la FFESSM.
L’arrêté du 20 septembre 1991, relatif aux garanties de technique et de sécurité dans les établissements organisant la pratique et l’enseignement des activités subaquatiques sportives et de loisir en plongée autonome à l’air officialisait cette nouvelle répartition des rôles.

Les organisations professionnelles pouvaient enfin prendre le large, mais pas trop, car cela restait limité aux formations de plongeur (N1 à N4 voire N5). En effet, l’équité s’arrêtait là, car les formations de moniteur bénévole restaient dans le giron des fédérations et celle des moniteurs d’état à ce dernier. Cette discrimination imposa aux structures commerciales de calquer leur formation et examen de niveau 4 sur ceux de la fédération sous peine de se voir refuser le droit de pouvoir se présenter au MF1. De fait, sans cet adoubement fédéral le brevet niveau 4 des organisations professionnelles perdait énormément de sa valeur. Ce qui fut le cas pour les candidats N4 SNMP qui se virent refusés le droit de se présenter au monitorat fédéral (sanction toujours en vigueur aujourd’hui).

De plus, beaucoup de clients provenant des clubs associatifs fédéraux de l’intérieur demandaient la délivrance de cartes fédérales plutôt qu’ANMP ou SNMP. Pour répondre à cette demande, les structures commerciales n’eurent comme seul choix que de créer des associations loi 1901 adhérentes à la fédération. Cet amalgame entre des structures associatives et commerciales souvent de même raison sociale ne tarda malheureusement pas à dégénérer en un mauvais mélange des genres. Plus tard, la FFESSM trouva enfin l’opportunité de créer les Structures Commerciales Agréées tout en essayant de s’immiscer dans la sphère professionnelle. Ce qui ne fut, bien sûr, pas du goût de tout le monde. L’intégration de ces nouveaux membres (non-bénévoles) fut possible grâce à la loi sur le sport de 1996 qui par la volonté de notre ministère de tutelle (MJS : ancienne appellation pour Ministère de la Jeunesse et des Sports) autorisa l’agrément d’établissements commerciaux.

Un autre élément important du dossier nous renvoie en 1965 avec la création du Comité Consultatif de l’Enseignement de la Plongée Subaquatique qui regroupait toutes les organisations professionnelles et institutions de la plongée française pour les discussions avec le ministère des Sports. En 1996, une section permanente du comité consultatif qui ne regroupait que les acteurs loisir (ANMP, FFESSM, FSGT, SNMP, UCPA) vit le jour. Plus tard, la section permanente comptait un candidat supplémentaire, le Syndicat National des Entreprises de Plongée Loisirs (SNEPL). Cette nouvelle entité (la section permanente du comité consultatif) fut longtemps l’interlocutrice avec le ministre en charge des sports et permettait aux organisations professionnelles de siéger (presque) à égalité avec la FFESSM. Malheureusement, en 2009, le MJS décida unilatéralement de dissoudre cette section et de ne garder que sa fédération délégataire comme seul interlocuteur.

Avec la création des SCA et le statut d’interlocuteur unique avec le MJS la fédération se retrouvait de nouveau en position de monopole (qu’elle n’a d’ailleurs jamais vraiment quitté) et de domination non loin des meilleurs régimes totalitaires.

Voilà, ce petit historique nous permet de comprendre comment l’intégration des structures commerciales a été rendu possible, mais aussi et surtout pourquoi elles n’ont pas vraiment eu d’autres choix que de s’associer et de prêter allégeance à la fédération pour ne pas se retrouver isolé. L’intrusion d’acteurs commerciaux au sein d’une association loi 1901 est la conséquence d’un système anachronique et incohérent qui amène à des choix qui n’auraient pas lieu d’être et/ou qui n’auraient aucun intérêt dans un contexte normal et sein.

Pour avoir un autre vision du contexte de la plongée française, vous pouvez lire le courrier envoyé par le président du SNEPL à La ministre de la Santé et des Sports en 2010 (Roselyne BACHELOT). Depuis cette missive, la situation est restée inchangée.

Pour avoir un élément de comparaison, nous pouvons regarder ce qui se passe chez nos voisins européens. En-dehors de la France la notion de brevet professionnel VS bénévole n’existe pas et de même pour le Brevet/Diplôme d’Etat. Cette distinction se fait uniquement au travers des choix volontaires (et libres) des acteurs concernés. C’est-à-dire qu’un moniteur PADI/SSI/CMAS/CEDIP/IDEA/etc. peut enseigner contre rémunération ou bénévolement sans distinction et comme bon lui semble. Une structure peut gérer son activité de façon commerciale ou bénévole (fonction de son statut) avec les moniteurs de son choix.

Hors France, il n’existe pas ou très peu de réglementation pour l’activité de plongée loisir. Cela signifie que tous les acteurs et organisations pros ou bénévoles œuvrent au même niveau en fonction de leurs moyens propres. Les agences de formation sont indépendantes et se développent (cursus de formation, brevets/certifications, communication, etc.) selon leur propre agenda et programme sans contrainte si ce n’est celles liées à leur statut d’entreprise commerciale ou de fédération. Les structures commerciales (clubs pros) peuvent adhérer à une fédération ou à une voire plusieurs agences de formation de leur choix et enseigner tous les cursus mis à leur disposition du plongeur de base à l’instructeur. Dans une structure professionnelle comme dans une association, on peut retrouver des instructeurs de différentes obédiences sans que cela ne pose question que ce soit d’un point de vue législatif ou même éthique.

En clair, il n’existe en Europe rien de comparable à ce qui se fait en France. La situation française ne pourrait pas exister dans le contexte d’un autre pays européen. En corollaire, cela signifie que notre situation est entièrement du fait des protagonistes français et plus précisément du ministère des Sports qui souhaite contrôler l’activité tout en privilégiant sa fédération délégataire (FFESSM) au détriment des autres acteurs (FSGT et organisations privés). Le triste bilan de cette gestion égoïste, archaïque et mafieuse des institutions de l’état (1) entraine, depuis près d'un demi-siècle, une situation économique et sociale difficile pour les entreprises de la plongée loisir française. Sans oublier les nombreuses contraintes et freins au développement qui pèsent sur tous les acteurs de notre microcosme associatif comme privé.


(1) Pour avoir une meilleure vision et comprendre l'impliquation de l'état dans la gestion du sport en France et particulièrement la plongée sous-marine vous pouvez lire les articles "La plongée en France, terrain de chasse sous haute surveillance" et "La plongée est libre en France ?".

Pour aller plus loin sur le sujet je vous invite à lire les articles « Pourquoi avons-nous un CDS » et « Coup de gueule au sujet du CDS 2012 » sur le site recycleur.free.fr.